Ecrire une chronique littéraire sur fond de jazz, avant même que le jour ne soit levé, me rappelle mes années studieuses, lorsque je me rendais à la bibliothèque universitaire pour étudier. Là, installée dans le halo de lumière d’une lampe de bureau, j’avais le sentiment d’être dans une bulle, coupée du monde, tout en ressentant intensément ce qui se passait à la lisière de cet espace protégé.
Lire Ron Rash réveille les mêmes sensations. Celles d’être coupée du monde le temps d’une lecture, tout en ressentant chaque vibration provoquée par celui-ci. Le sentiment d’être protégée par le papier tout en plongeant la tête la première dans les questions existentielles de notre époque.
Car c’est de cela qu’il s’agit dans ce magnifique roman, d’un cruel dilemme mettant face à face le désir de préserver une nature pure et sauvage de l’homme, et le besoin viscéral de perpétuer la mémoire de son enfant. Confronté à nos plus profondes croyances, bousculé par une réflexion dérangeante, nous nous retrouvons dans un combat où il n’y a pas de gagnant.
Une écriture sublime, aussi limpide et fluide que le cours d’une rivière, aussi dévastatrice avec ses remous inattendus. Un style sans emphase, où l’authenticité désarmante de la vérité trouve toute sa place.
Et pourtant nos coeurs n’étaient toujours pas vides. C’était comme si nous avions mal calculé tout ce que nous pouvions nous dire et qu’il nous restait encore assez de rancoeur pour protéger ce qui se trouvait au plus profond, ce qui ne pouvait s’exprimer que par des paroles de réconciliation et de pardon – des paroles pour reconnaître que nous étions liés par le sang et la famille, et même, malgré notre volonté qu’il en soit autrement, par l’amour. Des paroles si effrayantes que nous fermions hermétiquement la bouche, n’osions pas une seule syllabe de ce langage-là. Parce que nous comprenions tous deux que, une fois que l’on ouvre la bouche pour prononcer ces mots-là, on ouvre aussi son coeur. On l’ouvre aussi grand qu’une porte de grange, on démonte les gonds, et du coup n’importe quoi peut en sortir ou y entrer. Y a-t-il quoi que ce soit de plus effrayant?
Sans jamais tomber dans le manichéisme ou le pathos, Ron Rash dépeint à touches subtiles le courant de nos pensées, de nos déchirements. Pas de grand roulement de tambours, d’annonce fracassante, les bouleversements de Ron Rash sont des lames de fond que l’on ne voit que très peu en surface. Ce n’est que quelques jours plus tard que l’on se pose la question : « Et si j’avais dû faire un choix? » Toute l’élégance d’un auteur qui suscite la réflexion…
Rivière protégée par une loi fédérale, la Tamassee est un lieu quasi sacré. Quand une adolescente s’y noie et que son père veut faire installer un barrage pour dégager son corps, bloqué sous un rocher, les environnementalistes s’insurgent et les journalistes se déchaînent. Photographe originaire du coin, Maggie s’interroge : comment choisir entre le deuil d’un enfant et la protection de la nature?
Le chant de la Tamasse – Ron Rash – Editions Points – 255 pages
Et ne vous inquiétez pas, la rentrée littéraire arrive sur le blog ! J’ai manqué un peu de temps, car c’est aussi la rentrée professionnelle 🙂 Mais j’ai lu Miracle Morning (Une heure ultra efficace en plus le matin, je vous en parle très vite) et fixé mes priorités. Je reviens donc très vite!
Une réflexion sur “Le chant de la Tamassee de Ron Rash”