L’immensité de l’Alaska et l’infinie solitude d’un couple. David Vann réussit une fois de plus la prouesse d’allier grandeur des paysages et étroitesse de la condition humaine. Chirurgien glaçant de précision, il dissèque le paradoxe du couple soumis aux lois du temps.
Irène et Gary sont installés depuis toujours en Alaska, leurs enfants ont quitté la maison. Mû par le besoin presqu’obsessionnel de renouer avec la nature, Gary se met en tête de construire une cabane sur l’île toute proche, afin de s’y installer définitivement avec Irène. Elle, pour ne pas le perdre, décide de le suivre, malgré l’hiver qui approche, malgré la solitude et le dénuement promis.
Irène, figure centrale de ce roman, incarnant à l’extrême tout à la fois les stéréotypes féminins et leurs opposés. Icône maternelle autant qu’étouffante, poussée aux confins de la folie par ce qui lui semble être une clairvoyance extrême. Irène, confrontée aux rêves d’un autre, sa folie incarnée dans une nature qui finira par la laisser sur le carreau.
Après Sukkwan Island, j’avais raté la sortie de Désolations, certainement distraite par d’autres lectures. Découvrir un ouvrage oublié de son auteur préféré, c’est un peu comme découvrir qu’il reste un pot d’Haagen-Daes dans le congélateur : jouissif !
Je m’y suis plongée tête baissée, pour me ramasser une véritable claque, comme à chaque fois. D’une cruauté aussi froide que le ciel de l’Alaska, d’une précision aussi cristalline que les rives d’un lac du Nord, l’écriture de David Vann laisse sans voix. Vous voilà embarqué dans les méandres de l’esprit humain, de ses détours tortueux quand il est confronté à la perte et la solitude.
Car le fil rouge des romans de David Vann me semble être celui-là : l’exploration de la solitude sous ses formes faussement banales, sa folie lorsqu’elle est poussée à l’extrême.
Et c’est avec une puissance évocatrice sans cesse renouvelée qu’il vous fera plonger tête la première dans les eaux froides des lacs d’Alaska. Mais soyez averti : l’eau est froide, glaçante.
Désolations, David Vann. Editions Gallmeister, 304 pages
On ne sort jamais indemne d’un roman de David Vann. À quand « Désolations »?!
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